Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/161

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Puis, quel roman ! le jour où j’arrive, c’est fort,
Ces mêmes alguazils rencontrés tout d’abord !
Leur poursuite enragée et ma fuite éperdue ;
Je saute un mur ; j’avise une maison perdue
Dans les arbres, j’y cours ; personne ne me voit ;
Je grimpe allègrement du hangard sur le toit ;
Enfin, je m’introduis dans le sein des familles
Par une cheminée où je mets en guenilles
Mon manteau le plus neuf qui sur mes chausses pend !…
— Pardieu ! monsieur Salluste est un grand sacripant !

Se regardant dans une petite glace de Venise posée sur le grand coffre à tiroirs sculptés.

— Mon pourpoint m’a suivi dans mes malheurs. Il lutte !

Il ôte son manteau et mire dans la glace son pourpoint de satin rose usé, déchiré et rapiécé ; puis il porte vivement la main à sa jambe avec un coup d’œil vers la cheminée.

Mais ma jambe a souffert diablement dans ma chute !

Il ouvre les tiroirs du coffre. Dans l’un d’entre eux, il trouve un manteau de velours vert-clair, brodé d’or, le manteau donné par don Salluste à Ruy Blas. Il examine le manteau et le compare au sien.

— Ce manteau me paraît plus décent que le mien.

Il jette le manteau vert sur ses épaules et met le sien à la place dans le coffre, après l’avoir soigneusement plié ; il y ajoute son chapeau qu’il enfonce sous le manteau d’un coup de poing ; puis il referme le tiroir. Il se promène fièrement, drapé dans le beau manteau brodé d’or.