Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/111

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comme poëte, a les trois dons souverains : la création, qui produit les types, et qui recouvre de chair et d’os les idées ; l’invention, qui heurte les passions contre les événements, fait étinceler l’homme sur le destin, et produit le drame ; l’imagination, qui, soleil, met le clair-obscur partout, et, donnant le relief, fait vivre. L’observation, qui s’acquiert et qui, par conséquent, est plutôt une qualité qu’un don, est incluse dans la création. Si l’avare n’était pas observé, Harpagon ne serait pas créé. Dans Cervantes, un nouveau venu, entrevu chez Rabelais, fait décidément son entrée ; c’est le bon sens. On l’a aperçu dans Panurge, on le voit en plein dans Sancho Pança. Il arrive comme le Silène de Plaute, et lui aussi peut dire : Je suis le dieu monté sur un âne. La sagesse tout de suite, la raison fort tard ; c’est là l’histoire étrange de l’esprit humain. Quoi de plus sage que toutes les religions ? quoi de moins raisonnable ? morales vraies, dogmes faux. La sagesse est dans Homère et dans Job ; la raison, telle qu’elle doit être pour vaincre les préjugés, c’est-à-dire complète et armée en guerre, ne sera que dans Voltaire. Le bon sens n’est pas la sagesse, et n’est pas la raison ; il est un peu l’une et un peu l’autre, avec une nuance d’égoïsme. Cervantes le met à cheval sur l’ignorance, et en même temps,