Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/206

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avec l’Orient, parenté haïe des grecs, était réelle. Les lettres de l’alphabet grec ne sont autre chose que les lettres de l’alphabet phénicien, retournées. Eschyle était d’autant plus grec qu’il était un peu phénicien.

Ce puissant esprit, parfois informe en apparence à force de grandeur, a la gaieté et l’affabilité titaniques. Il fait des jeux de mots sur Prométhée, sur Polynice, sur Hélène, sur Apollon, sur Ilion, sur le coq et le soleil, imitant en cela Homère, lequel a fait sur l’olive ce fameux calembour dont s’autorisa Diogène pour jeter son plat d’olives et manger une tarte.

Le père d’Eschyle, Euphorion, était disciple de Pythagore. L’âme de Pythagore, ce philosophe demi-mage et demi-brahme, semblait être entrée à travers Euphorion dans Eschyle. Nous l’avons dit, dans la profonde et mystérieuse querelle entre les dieux célestes et les dieux terrestres, guerre intestine du paganisme, Eschyle était terrestre. Il était de la faction des dieux de la terre. Les cyclopes ayant travaillé pour Jupiter, il les rejetait comme nous rejetterions une corporation d’ouvriers qui aurait trahi, et il leur préférait les cabires. Il adorait Cérès. « O toi, Cérès, nourrice de mon âme ! » et Cérès, c’est Déméter, c’est Gé-méter, c’est la terre-mère. De là sa vénération pour l’Asie. Il semblait