Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/242

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vertu ordinaire, dans la foi ordinaire, ou dans le doute ordinaire ; et c’est bien. Pour le repos intérieur, c’est évidemment le mieux. S’il va sur cette cime, il est pris. Les profondes vagues du prodige lui ont apparu. Nul ne voit impunément cet océan-là. Désormais il sera le penseur dilaté, agrandi, mais flottant ; c’est-à-dire le songeur. Il touchera par un point au poëte, et par l’autre au prophète. Une certaine quantité de lui appartient maintenant à l’ombre. L’illimité entre dans sa vie, dans sa conscience, dans sa vertu, dans sa philosophie. Il devient extraordinaire aux autres hommes, ayant une mesure différente de la leur. Il a des devoirs qu’ils n’ont pas. Il vit dans de la prière diffuse, se rattachant, chose étrange, à une certitude indéterminée qu’il appelle Dieu. Il distingue dans ce crépuscule assez de la vie antérieure et assez de la vie ultérieure pour saisir ces deux bouts de fil sombre et y renouer son âme. Qui a bu boira, qui a songé songera. Il s’obstine à cet abîme attirant, à ce sondage de l’inexploré, à ce désintéressement de la terre et de la vie, à cette entrée dans le défendu, à cet effort pour tâter l’impalpable, à ce regard sur l’invisible, il y vient, il y retourne, il s’y accoude, il s’y penche, il y fait un pas, puis deux, et c’est ainsi qu’on pénètre dans l’impénétrable, et c’est ainsi qu’on