Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/300

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Ces portraits de l’humanité, laissés à l’humanité comme adieux par ces passants, les poètes, sont rarement flattés, toujours exacts, ressemblants de la ressemblance profonde. Le vice ou la folie ou la vertu sont extraits de l’âme et amenés sur le visage. La larme figée devient perle ; le sourire pétrifié finit par sembler une menace ; les rides sont des sillons de sagesse ; quelques froncements de sourcil sont tragiques. Cette série d’exemplaires de l’homme est la leçon permanente des générations ; chaque siècle y ajoute quelques figures, parfois faites en pleine lumière et rondes-bosses, comme Macette, Céhmène, Tartuffe, Turcaret et le Neveu de Rameau, parfois simples profils, comme Gil Blas, Manon Lescaut, Clarisse Harlowe et Candide.

Dieu crée dans l’intuition ; l’homme crée dans l’inspiration, compliquée d’observation. Cette création seconde, qui n’est autre chose que l’action divine faite par l’homme, c’est ce qu’on nomme le génie.

Le poëte se mettant au lieu et place du destin, une invention d’homme et d’événements tellement étrange, ressemblante et souveraine, que certaines sectes religieuses en ont horreur comme d’un empiétement sur la Providence, et appellent le poëte « le menteur » ; la conscience