Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/368

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écoutez ces poëtes, ils vous aideront à monter vers la douleur saine et féconde, ils vous feront sentir l’utilité céleste de l’attendrissement. O bonté des forts ! leur émotion, qui peut être, s’ils veulent, tremblement de terre, et par instants si cordiale et si douce qu’elle semble le remuement d’un berceau. Ils viennent de faire naître en vous quelque chose dont ils prennent soin. Il y a de la maternité dans le génie. Faites un pas, avancez encore, surprise nouvelle, les voilà gracieux. Quant à leur grâce, c’est l’aurore même.

Les hautes montagnes ont sur leur versant tous les climats, et les grands poëtes tous les styles. Il suffit de changer de zone. Montez, c’est la tourmente ; descendez, ce sont les fleurs. Le feu intérieur s’accommode de l’hiver dehors, le glacier ne demande pas mieux que d’être cratère, et il n’y a point pour la lave de plus belle sortie qu’à travers la neige. Un brusque percement de flamme n’a rien d’étrange sur un sommet polaire. Ce contact des extrêmes fait loi dans la nature où éclatent à tout moment les coups de théâtre du sublime. Une montagne, un génie, c’est la majesté âpre. Ces masses dégagent une sorte d’intimidation religieuse. Dante n’est pas moins à pic que l’Etna. Les précipices de Shakespeare valent les gouffres du