Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

stupeur. C’est donc la nuit. C’est, sous de funèbres épaisseurs derrière lesquelles tout est indistinct, la sombre mer des pauvres.

Ces accablés se taisent ; ils ne savent rien, ils ne peuvent rien, ils ne demandent rien, ils ne pensent rien ; ils subissent. Plectuntur Achivi. Ils ont faim et froid. On voit leur chair indécente par les trous des haillons ; qui fait ces haillons ? la pourpre. La nudité des vierges vient de la nudité des odalisques. Des guenilles tordues des filles du peuple tombent des perles pour la Fontanges et la Châteauroux. C’est la famine qui dore Versailles. Toute cette ombre vivante et mourante remue, ces larves agonisent, la mère manque de lait, le père manque de travail, les cerveaux manquent de lumière ; s’il y a là dans ce dénûment un livre, il ressemble à la cruche, tant ce qu’il offre à la soif des intelligences est insipide ou corrompu. Familles sinistres.

Le groupe des petits est pâle. Tout cela expire et rampe, n’ayant pas même la force d’aimer ; et, à leur insu peut-être, tandis qu’ils se courbent et se résignent, de toutes ces inconsciences où le droit réside, du sourd murmure de toutes ces malheureuses haleines mêlées, sort on ne sait quelle voix confuse, mystérieux brouillard du verbe, arrivant syllabe à syllabe dans l’obscurité à des prononciations de mots extraordinaires :