Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

humaines, pour être démocratique ici, iconoclaste là, ce livre est-il moins magnifique et moins suprême ? Si la poésie n’est point dans la Bible, où est-elle ?

Vous dites : La muse est faite pour chanter, pour aimer, pour croire, pour prier. Oui et non. Entendons-nous. Chanter qui ? Le vide. Aimer quoi ? Soi-même. Croire quoi ? Le dogme. Prier quoi ? L’idole. Non, voici le vrai : Chanter l’idéal, aimer l’humanité, croire au progrès, prier vers l’infini.

Prenez garde, vous qui tracez de ces cercles autour du poëte, vous le mettez hors de l’homme. Que le poëte soit hors de l’homme par un côté, par les ailes, par le vol immense, par la brusque disparition possible dans les profondeurs, cela est bien, cela doit être, mais à la condition de la réapparition. Qu’il parte, mais qu’il revienne. Qu’il ait des ailes pour l’infini, mais qu’il ait des pieds pour la terre, et qu’après l’avoir vu voler, on le voie marcher. Qu’il rentre dans l’homme après en être sorti. Qu’après l’avoir vu archange, on le retrouve frère. Que l’étoile qui est dans cet œil pleure une larme, et que cette larme soit la larme humaine. Ainsi humain et surhumain, ce sera le poëte. Mais être tout à fait hors de l’homme, c’est ne pas être. Montre-moi ton pied, génie,