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ii.
PARIS DORT, COUP DE SONNETTE.

Le 2 décembre 1851, le représentant Versigny, de la Haute-Saône, qui demeurait à Paris, rue Léonie, n° 4, dormait. Il dormait profondément ; il avait travaillé une partie de la nuit. Versigny était un jeune homme de trente-deux ans, à la figure douce et blonde, très vaillant esprit, et tourné vers les études sociales et économiques. Il avait passé les premières heures de la nuit dans l’étude d’un livre de Bastiat qu’il annotait, puis, laissant le livre ouvert sur sa table, il s’était endormi. Tout à coup, il fut éveillé en sursaut par un brusque coup de sonnette. Il se dressa sur son séant. C’était le petit jour. Il était environ sept heures du matin.

Ne devinant pas quel pouvait être le motif d’une visite si matinale, et supposant que c’était quelqu’un qui se trompait de porte, il se recoucha, et il allait se rendormir, quand un second coup de sonnette, plus significatif encore que le premier, le réveilla décidément. Il se leva en chemise, et alla ouvrir.

Michel (de Bourges) et Théodore Bac entrèrent. Michel (de Bourges) était le voisin de Versigny. Il demeurait rue de Milan, n° 16.

Théodore Bac et Michel étaient pâles et semblaient vivement agités.

— Versigny, dit Michel, habillez-vous tout de suite. On vient d’arrêter Baune.

— Bah ! s’écria Versigny, est-ce que c’est l’affaire Mauguin qui recommence ?

— C’est mieux que cela, reprit Michel. La femme et la fille de Baune sont venues chez moi il y a une demi-heure. Elles m’ont fait éveiller. Baune a été arrêté dans son lit à six heures du matin.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Versigny.

On sonna de nouveau.

— Voici qui va probablement nous le dire, répondit Michel (de Bourges).

Versigny alla ouvrir. C’était le représentant Pierre Lefranc. Il apportait en effet le mot de l’énigme.

— Savez-vous ce qui se passe ? dit-il.

— Oui, répondit Michel, Baune est en prison.

— C’est la République qui est prisonnière, dit Pierre Lefranc. Avez-vous lu les affiches ?

— Non.