Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/320

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toutes les fractions de l’Assemblée, parmi lesquels MM. Eugène Sue, Richardet, Fayolle, Joret, Marc Dufraisse, Benoît (du Rhône), Canet, Gambon, d’Adelswœrd, Crépu, Repellin, Teilhard-Latérisse, Rantion, le général Laidet, Paulin Durieu, Chanay, Brillier, Collas (de la Gironde), Monet, Garnon, Favreau et Albert de Rességuier.

Chaque survenant consultait M. de Panat.

— Où sont les vice-présidents ?

— En prison.

— Et les deux autres questeurs ?

— Aussi. Et je vous prie de croire, messieurs, ajoutait M. de Panat, que je ne suis pour rien dans l’affront qu’on m’a fait en ne m’arrêtant pas.

L’indignation était au comble ; toutes les nuances se confondaient dans le même sentiment de dédain et de colère, et M. de Rességuier n’était pas moins énergique qu’Eugène Sue. Pour la première fois l’Assemblée semblait n’avoir qu’un cœur et qu’une voix. Chacun disait enfin de l’homme de l’Élysée ce qu’il en pensait, et l’on s’aperçut alors que depuis longtemps Louis Bonaparte avait, sans qu’on s’en rendît compte, créé dans l’Assemblée une parfaite unanimité, l’unanimité du mépris.

M. Collas (de la Gironde) gesticulait et narrait. Il venait du ministère de l’intérieur, il avait vu M. de Morny, il lui avait parlé, il était, lui M. Collas, outré du crime de M. Bonaparte. – Depuis, ce crime l’a fait conseiller d’État. M. de Panat allait et venait dans les groupes, annonçant aux représentants qu’il avait convoqué l’Assemblée pour une heure. Mais il était impossible d’attendre jusque-là. Le temps pressait. Au palais Bourbon comme rue Blanche, c’était le sentiment général, chaque heure qui s’écoulait accomplissait le coup d’État, chacun sentait comme un remords le poids de son silence ou de son inaction ; le cercle de fer se resserrait, le flot des soldats montait sans cesse et envahissait silencieusement le palais ; à chaque instant on trouvait, à une porte, libre le moment d’auparavant, une sentinelle de plus. Cependant le groupe des représentants réunis dans la salle des Conférences était encore respecté. Il fallait agir, parler, siéger, lutter, et ne pas perdre une minute.

Gambon dit : Essayons encore de Dupin ; il est notre homme officiel ; nous avons besoin de lui. On alla le chercher. On ne le trouva pas. Il n’était plus là ; il avait disparu, il était absent, caché, tapi, blotti, enfoui, évanoui, enterré. Où ? Personne ne le savait. La lâcheté a des trous inconnus.

Tout à coup un homme entra dans la salle, un homme étranger à l’Assemblée, en uniforme, avec l’épaulette d’officier supérieur et l’épée au côté. C’était un chef de bataillon du 42e qui venait sommer les représentants de