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III

LES VOTES.

Gauvain se leva.

— Comment vous nommez-vous ? demanda Cimourdain.

Gauvain répondit :

— Gauvain.

Cimourdain continua l’interrogatoire.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis commandant en chef de la colonne expéditionnaire des Côtes-du-Nord.

— Êtes-vous parent ou allié de l’homme évadé ?

— Je suis son petit-neveu.

— Vous connaissez le décret de la Convention ?

— J’en vois l’affiche sur votre table.

— Qu’avez-vous à dire sur ce décret ?

— Que je l’ai contresigné, que j’en ai ordonné l’exécution, et que c’est moi qui ai fait faire cette affiche au bas de laquelle est mon nom.

— Faites choix d’un défenseur.

— Je me défendrai moi-même.

— Vous avez la parole.

Cimourdain était redevenu impassible. Seulement son impassibilité ressemblait moins au calme d’un homme qu’à la tranquillité d’un rocher.

Gauvain demeura un moment silencieux et comme recueilli.

Cimourdain reprit :

— Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Gauvain leva lentement la tête, ne regarda personne, et répondit :

— Ceci : une chose m’a empêché d’en voir une autre ; une bonne action, vue de trop près, m’a caché cent actions criminelles ; d’un côté un vieillard, de l’autre des enfants, tout cela s’est mis entre moi et le devoir. J’ai oublié les villages incendiés, les champs ravagés, les prisonniers massacrés, les blessés achevés, les femmes fusillées, j’ai oublié la France livrée à l’Angleterre ; j’ai mis en liberté le meurtrier de la patrie. Je suis coupable. En parlant ainsi, je semble parler contre moi ; c’est une erreur. Je parle pour moi. Quand le coupable reconnaît sa faute, il sauve la seule chose qui vaille la peine d’être sauvée, l’honneur.

— Est-ce là, repartit Cimourdain, tout ce que vous avez à dire pour votre défense ?