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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.
EMMA GEMMA.

À la condition que vous serez très sage.

CHARLES.

Je t’obéirai. Viens. L’aube est sur ton visage.

EMMA GEMMA, se rapprochant.

Quel rendez-vous d’oiseaux que ce vert carrefour !

CHARLES.

Viens !

EMMA GEMMA.

Viens ! Charles, autour de nous toute l’ombre est amour.

Elle se rapproche.
CHARLES.

Viens !

Elle s’assied près de lui sur le banc. — Moment de plénitude et de silence.
CHARLES.

Viens ! Dieu veut que, parfois, l’ombre ait une âme gaie ;
Et cette âme, c’est toi. Ma tête fatiguée
Se pose sur ton sein, point d’appui du proscrit.
L’ombre, te voyant rire, a confiance, et rit.
Les roses pour s’ouvrir attendent que tu passes.
Nous sommes acceptés là-haut par les espaces,
Et, tu dis vrai, les champs, les halliers noirs, les monts
Sont de notre parti, puisque nous nous aimons.
Ici rien n’est méchant, rien, pas même l’ortie.
Que c’est charmant, l’étang, l’aurore, la sortie
Des nids au point du jour, chacun risquant son vol,
L’herbe en fleur, Dieu partout, la nuit, le rossignol ;
Toute cette harmonie est une sombre joute,
Exquise en son mystère, et ta beauté s’ajoute
À la forêt, au lac, à l’étoile des cieux.
Le chêne, en te voyant, frémit, ce pauvre vieux ;
La source offre son eau, la ronce offre ses mûres,
Et les ruisseaux, les prés, les parfums, les murmures,
Semblent n’avoir pour but que d’être autour de toi.