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J’en passe, et des meilleurs. — Cette tête sacrée,
C’est mon père. Il fut grand, quoiqu’il vînt le dernier.
Les maures de Grenade avaient fait prisonnier
Le comte Alvar Giron son ami. Mais mon père
Prit pour l’aller chercher six cents hommes de guerre,
Il fit tailler en pierre un comte Alvar Giron
Qu’à sa suite il traîna, jurant par son patron
De ne point reculer que le comte de pierre
Ne tournât front lui-même et n’allât en arrière.
Il combattit, puis vint au comte, et le sauva.

Don Carlos, hors de lui.

Mon prisonnier !

Don Ruy Gomez

Mon prisonnier ! C’était un Gomez de Silva !
Voilà donc ce qu’on dit quand dans cette demeure
On voit tous ces héros…

Don Carlos, frappant du pied.

On voit tous ces héros…Mon prisonnier, sur l’heure !

Don Ruy Gomez.
Il s’incline profondément devant le roi, lui prend la main et le mène devant le dernier portrait, celui qui sert de porte à la cachette où il a fait entrer Hernani. Doña Sol le suit des yeux avec anxiété.

Ce portrait, c’est le mien. — Roi don Carlos, merci !
Car vous voulez qu’on dise en le voyant ici :
« Ce dernier, digne fils d’une race si haute,
Fut un traître, et vendit la tête de son hôte ! »

Le roi, déconcerté, s’éloigne avec colère, puis reste quelques instants silencieux, les lèvres tremblantes et l’œil enflammé.
Don Carlos.

Duc, ton château me gêne et je le mettrai bas.

Don Ruy Gomez.

Car vous me la paîriez, altesse, n’est-ce pas ?

Don Carlos.

Duc, j’en ferai raser les tours pour tant d’audace,
Et je ferai semer du chanvre sur la place.