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Page:Hugo Hernani 1889.djvu/90

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Que jamais ils pourraient, tous ces hommes sans gloire,
Jusqu’à d’autres amours, plus nobles à leur gré,
Rapetisser un cœur où son nom est entré !

Hernani.

Hélas ! j’ai blasphémé ! Si j’étais à ta place,
Doña Sol, j’en aurais assez, je serais lasse
De ce fou furieux, de ce sombre insensé
Qui ne sait caresser qu’après qu’il a blessé.
Je lui dirais : Va-t-en ! — Repousse-moi, repousse !
Et je te bénirai, car tu fus bonne et douce,
Car tu m’as supporté trop longtemps, car je suis
Mauvais, je noircirais tes jours avec mes nuits,
Car c’en est trop enfin, ton âme est belle et haute
Et pure, et si je suis méchant, est-ce ta faute ?
Épouse le vieux duc ! il est bon, noble, il a
Par sa mère Olmedo, par son père Alcala.
Encore un coup, sois riche avec lui, sois heureuse !
Moi, sais-tu ce que peut cette main généreuse
T’offrir de magnifique ? une dot de douleurs.
Tu pourras y choisir ou du sang ou des pleurs.
L’exil, les fers, la mort, l’effroi qui m’environne,
C’est là ton collier d’or, c’est ta belle couronne,
Et jamais à l’épouse un époux plein d’orgueil
N’offrit plus riche écrin de misère et de deuil.
Épouse le vieillard, te dis-je ; il te mérite !
Eh ! qui jamais croira que ma tête proscrite
Aille avec ton front pur ? qui, nous voyant tous deux,
Toi calme et belle, moi violent, hasardeux,
Toi paisible et croissant comme une fleur à l’ombre,
Moi heurté dans l’orage à des écueils sans nombre,
Qui dira que nos sorts suivent la même loi ?
Non. Dieu qui fait tout bien ne te fit pas pour moi.
Je n’ai nul droit d’en haut sur toi, je me résigne.
J’ai ton cœur, c’est un vol ! je le rends au plus digne.
Jamais à nos amours le ciel n’a consenti.