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tent les petites coquetteries d’arrangeur et les raffinements de toilette littéraire ! Leur vérité est leur parure[1].

Il s’est donc déterminé à les publier telles à peu près qu’elles ont été écrites.

Il dit « à peu près », car il ne veut point cacher qu’il a néanmoins fait quelques suppressions et quelques changements ; mais ces changements n’ont aucune importance pour le public. Ils n’ont d’autre objet la plupart du temps que d’éviter les redites, ou d’épargner à des tiers, à des indifférents, à des inconnus rencontrés, tantôt un blâme, tantôt une indiscrétion, tantôt l’ennui de se reconnaître. Il importe peu au public, par exemple, que toutes les fins de lettres, consacrées à des détails de famille, aient été supprimées ; il importe peu que le lieu où s’est produit un accident quelconque, une roue cassée, un incendie d’auberge, etc., ait été changé ou non. L’essentiel, pour que l’auteur puisse dire, lui aussi : Ceci est un livre de bonne foi, c’est que la forme et le fond des lettres soient restés ce qu’ils étaient. On pourrait au besoin montrer aux curieux, s’il y en avait pour de si petites choses, toutes les pièces de ce

  1. L’auteur, à cet égard, a poussé fort loin le scrupule. Ces lettres ont été écrites au hasard de la plume, sans livres, et les faits historiques ou les textes littéraires qu’elles contiennent çà et là sont cités de mémoire ; or la mémoire fait défaut quelquefois Ainsi, par exemple, dans la Lettre neuvième, l’auteur dit que Barberousse voulut se croiser pour la seconde ou la troisième fois, et dans la Lettre dix-septième il parle des nombreuses croisades de Frédéric Barberousse. L’auteur oublie dans cette double occasion que Frédéric Ier ne s’est croisé que deux fois, la première n’étant encore que duc de Souabe, en 1147, en compagnie de son oncle Conrad III ; la seconde étant empereur, en 1189. Dans la Lettre quatorziéme l’auteur a écrit l’hérésiarque Doucet où il eût fallu écrire l’hérésiarque Doucin. Rien n’était plus facile à corriger que ces erreurs ; il a semblé à l’auteur que, puisqu’elles étaient dans ces lettres, elles devaient y rester comme le cachet même de leur réalité. Puisqu’il en est à rectifier des erreurs, qu’on lui permette de passer des siennes à celles de son imprimeur. Un errata raisonné est parfois utile. Dans la Lettre première, au lieu de : la maison est pleine de voix qui ordonnent, il faut lire : la maison est pleine de voix qui jordonnent. Dans la Légende du beau Pécopin (paragraphe XII, dernières lignes) au lieu de : une porte de métal, il faut lire : une porte de métail. Les deux mots jordonner et métail manquent au Dictionnaire de l’Académie, et, selon nous, le Dictionnaire a tort. Jordonner est un excellent mot de la langue familière qui n’a pas de synonyme possible et qui exprime une nuance précise et délicate, le commandement exercé avec sottise et vanité, à tout propos et hors de tout propos. Quant au mot métail, il n’est pas moins précieux. Le métal est la substance métallique pure ; l’argent est un métal. Le métail est la substance métallique composée ; le bronze est un métail.
    (Note de la première édition.)