Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/116

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Pécopin éperdu s’enfuit. Il se précipita au bas de l’escalier, traversa la cour, poussa la porte, passa le pont, gravit l’escarpement, franchit le ravin, sauta le torrent, troua la broussaille, escalada la montagne et se réfugia dans la forêt de Sonneck. Il courut tout le jour, effaré, épouvanté, désespéré, fou. Il aimait toujours Bauldour, mais il avait horreur de ce spectre. Il ne savait plus où en était son esprit, où en était sa mémoire, où en était son cœur. Le soir venu, voyant qu’il approchait des tours de son château natal, il déchira ses riches vêtements ironiques qui lui venaient du diable et les jeta dans le profond torrent de Sonneck. Puis il s’arracha les cheveux, et tout à coup il s’aperçut qu’il tenait à la main une poignée de cheveux blancs. Puis voilà que subitement ses genoux tremblèrent, ses reins fléchirent, il fut obligé de s’appuyer à un arbre, ses mains étaient affreusement ridées. Dans l’égarement de sa douleur, n’ayant plus conscience de ce qu’il faisait, il avait saisi le talisman suspendu à son cou, en avait brisé la chaîne et l’avait jeté au torrent avec ses habits.

Et les paroles de l’esclave de la sultane s’étaient sur-le-champ accomplies. Il venait de vieillir de cent ans en une minute. Le matin il avait perdu ses amours, le soir il perdait sa jeunesse. En ce moment-là, pour la troisième fois dans cette fatale journée, quelqu’un éclata de rire