Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/160

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sourire. J’ai risqué quelques pas, j’ai dépassé un angle du Pfarthurm que je n’avais pas encore franchi, et je me suis trouvé au milieu des habitants du clocher. Il y a là tout un petit monde doux et heureux. La jeune fille, qui tricote ; une vieille femme, sa mère sans doute, qui file son rouet ; des colombes qui roucoulent perchées sur les gargouilles du clocher ; un singe hospitalier qui vous tend la main du fond de sa petite cabane ; les poids de la grosse horloge qui montent et descendent avec un bruit sourd et s’amusent à faire mouvoir des marionnettes dans l’église où l’on a couronné des empereurs ; ajoutez à cela cette paix profonde des lieux élevés, qui se compose du murmure du vent, des rayons du soleil et de la beauté du paysage, — n’est-ce pas que c’est un ensemble pur et charmant ? — De la cage des anciennes cloches, la jeune fille a fait sa chambre ; elle y a mis son lit dans l’ombre, et elle y chante comme chantaient les cloches, mais d’une voix plus douce, pour elle et pour Dieu seulement. De l’un des clochetons inachevés, la mère a fait la cheminée du petit feu de veuve où cuit sa pauvre marmite. Voilà le haut du clocher de Francfort. Comment et pourquoi cette colonie est-elle là, et qu’y fait-elle ? Je l’ignore ; mais j’ai admiré cela. Cette fière ville impériale, qui a soutenu tant de guerres, qui a reçu tant de boulets, qui a intronisé tant de césars, dont les murailles étaient comme une armure, dont l’aigle tenait dans ses deux serres les diadèmes que l’aigle d’Autriche posait sur ses deux têtes, est aujourd’hui dominée et couronnée par l’humble foyer d’une vieille femme, d’où sort un peu de fumée.