Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/200

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silencieuse, un bruit en sortait, une lueur s’en échappait à travers la porte. J’allai à cette porte. Quelle porte ! Représentez-vous quelques ais grossièrement rattachés les uns aux autres par des traverses informes constellées de gros clous, laissant entre eux de larges espaces inégaux par le bas, ébréchés par le haut, et barricadant, avec cette sorte d’insolence du manant qui serait maître chez le seigneur, un magnifique et royal portail du quatorzième siècle.

Je regardai par les claires-voies, et j’entrevis confusément l’intérieur de l’église. Les sévères archivoltes du temps de Charles Iv s’y dégageaient péniblement dans les ténèbres au milieu d’un inexprimable encombrement de tonnes, de fûts cerclés et de barriques vides. Au fond, à la clarté d’une chandelle de suif posée sur une excroissance de pierre qui avait dû être le maître-autel, un tonnelier à manches retroussées et en tablier de cuir chevillait un gros tonneau. Les douves retentissaient sous le maillet avec ce bruit de bois creux si lugubre pour quiconque a entendu le marteau des fossoyeurs résonner sur un cercueil.

Qu’était-ce que cette église ? Au-dessus du portail s’élevait une puissante tour carrée qui avait dû porter une haute flèche. Nous venions de laisser à gauche, un peu en arrière, les quatre clochers de la cathédrale. J’apercevais à quelque distance en avant, vers le sud-ouest, une abside qui devait être l’église des prédicateurs ; il est vrai que je ne retrouvais pas à gauche le clocher de Saint-Paul engagé entre ses deux tours basses ; mais nous n’étions pas assez avancés dans la ville ni assez près de la porte de Saint-Martin pour que ce fût Saint-Lamprecht ; d’ailleurs, je ne voyais pas la petite flèche de Saint-Sixte, qui aurait dû être à droite, ni l’aiguille plus élevée de Saint-Martin, qui aurait dû être à gauche. J’en conclus que cette église devait être Saint-Ruprecht.

Une fois ces conjectures fixées et cette découverte faite, je me remis à regarder l’intérieur misérable de ce vénérable édifice, cette chandelle luisant dans cette ombre qu’avaient étoilée les lampes impériales des couronnements, ce tablier de cuir s’étalant où avait flotté la pourpre,