Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/113

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eaux bavardes, « aquae verbigenae. » ― Quand je vous écris, mon ami, il me semble que j’ai bu de cette eau.

Le soleil baissait, les montagnes grandissaient, les chevaux galopaient sur une route excellente en sens inverse de la Limmat ; nous traversions une région toute sauvage ; sous nos pieds il y avait un couvent blanc à clocher rouge, semblable à un jouet d’enfant ; devant nos yeux, une montagne à forme de colline, mais si haute, qu’une forêt y semblait une bruyère ; dans le jardin sévère du couvent, un moine blanc se promenait, causant avec un moine noir ; par-dessus la montagne, une vieille tour montrait à demi sa face rougie par le soleil horizontal. Qu’était cette masure ? Je ne sais. Conrad De Tagerfelden, un des meurtriers de l’empereur Albert, avait son château dans cette solitude. ― En était-ce la ruine ? ― Moi, je ne suis qu’un passant et j’ignore tout ; j’ai laissé leur secret à ces lieux sinistres, mais je ne pouvais m’empêcher de songer vaguement au sombre attentat de 1308 et à la vengeance d’Agnès, pendant que cette tour sanglante, cachée peu à peu par les plis du terrain, rentrait lentement dans la montagne.

La route a tourné ; une crevasse inattendue a laissé passer un immense rayon du couchant ; les villages, les fumées, les troupeaux et les hommes ont reparu, et la belle vallée de la Limmat s’est remise à sourire. Les villages sont vraiment remarquables dans ce canton de Zurich. Ce sont de magnifiques chaumières composées de trois compartiments. À un bout, la maison des hommes, en bois et en maçonnerie, avec ses trois étages de fenêtres-croisées basses, à petits vitraux ronds ; à l’autre bout, la maison des bêtes, étable et écurie, en planches ; au centre, le logis des chariots et des ustensiles, fermé par une grande porte cochère. Dans le faîtage, qui est énorme, la grange et le grenier. Trois maisons sous un toit. Trois têtes sous un bonnet. Voilà la chaumière zuriquoise. Comme vous voyez, c’est un palais.

La nuit était tout à fait tombée, je m’étais tout platement endormi dans la voiture, quand un bruit de planches sous le piétinement des chevaux m’a réveillé. J’ai ouvert les yeux. J’étais dans une espèce de caverne en charpente de l’aspect