La Pologne a disparu.
Venise a disparu.
Gênes a disparu.
Malte a disparu.
Le pape n’est plus que nominal. La foi catholique a perdu du terrain ; perdre du terrain, c’est perdre des contribuables. Rome est appauvrie. Or, ses états ne suffiraient pas pour lui donner une armée ; elle n’a point d’argent pour en acheter une, et d’ailleurs nous ne sommes plus dans un siècle où l’on en vend. Comme prince temporel, le pape a disparu.
Que reste-t-il donc de tout ce vieux monde ? Qui est-ce qui est encore debout en Europe ? Deux nations seulement : la France et l’Allemagne.
Eh bien, cela pourrait suffire. La France et l’Allemagne sont essentiellement l’Europe. L’Allemagne est le cœur ; la France est la tête. L’Allemagne et la France sont essentiellement la civilisation. L’Allemagne sent ; la France pense.
Le sentiment et la pensée, c’est tout l’homme civilisé.
Il y a entre les deux peuples connexion intime, consanguinité incontestable. Ils sortent des mêmes sources ; ils ont lutté ensemble contre les romains ; ils sont frères dans le passé, frères dans le présent, frères dans l’avenir.
Leur mode de formation a été le même. Ils ne sont pas des insulaires, ils ne sont pas des conquérants ; ils sont les vrais fils du sol européen.
Le caractère sacré et profond de fils du sol leur est tellement inhérent et se développe en eux si puissamment, qu’il a rendu longtemps impossible, même malgré l’effort des années et la prescription de l’antiquité, leur mélange avec tout peuple envahisseur, quel qu’il fût et de quelque part qu’il vînt. Sans compter les juifs, nation émigrante et non conquérante, qui est d’ailleurs dans l’exception partout, on peut citer, par exemple, des races slaves qui habitent le sol allemand depuis dix siècles, et qui n’étaient pas encore allemandes il y a cent cinquante ans. Rien de plus frappant à ce sujet que ce que raconte Tollius. En 1687, il était à la cour de Brandebourg ; l’électeur lui dit un jour : « J’ai des vandales dans mes états. Ils habitent