Le grand jambage de l’F est parallèle au Neckar et regarde la ville, que le château domine à mi-côte. Le grand bras, qui part à angle droit de l’extrémité supérieure du jambage, s’étend au-dessus d’un vallon qui le sépare des montagnes de l’est. Le petit bras du milieu, raccourci encore par les ruines qui le terminent, fermait le château à l’ouest du côté des plaines du Rhin, et tournait vers le mont Geissberg les tours qu’il semble tenir encore dans son poignet brisé.
Il y a de tout dans le manoir de Heidelberg. C’est un de ces édifices où s’accumulent et se mêlent les beautés éparses ailleurs. Il y a des tours entaillées comme à Pierrefonds, des façades-bijoux comme à Anet, des moitiés de douves tombées d’un seul morceau dans le fossé comme au Rheinfels, de larges bassins tristes, croulants et moussus comme à la villa Pamfili, des cheminées de rois pleines de ronces comme à Meung-Sur-Loire, de la grandeur comme à Tancarville, de la grâce comme à Chambord, de la terreur comme à Chillon.
Les traces des assauts et de la guerre sont là partout. Vous ne pouvez vous figurer avec quelle furie les français en particulier ont ravagé ce château de 1689 à 1693. Ils y sont revenus à trois ou quatre reprises. Ils ont fait jouer la mine sous les terrasses et dans les entrailles des maîtresses tours ; ils ont mis le feu aux toitures ; ils ont fait éclater des bombes à travers les Dianes et les Vénus des plus délicates façades. J’ai vu des traces de boulets dans les chambranles de ces ravissantes fenêtres du rez-de-chaussée de la salle des chevaliers par où sautait la palatine, afin de tâcher de devenir homme. Cette même palatine, si spirituelle, si méchante et si désespérée d’être fille, a été plus tard la cause de la guerre. Chose bizarre, il y a des villes qui ont été perdues par des femmes qui étaient des merveilles de beauté ; ce miracle de laideur a perdu Heidelberg.
Pourtant, quelle que soit la dévastation, lorsqu’on monte au château par les rampes, les voûtes et les terrasses qui y conduisent, on regrette que le grand côté tourné vers la ville, bien qu’admirablement composé, à son extrémité ouest, d’une tour éventrée qui a été la grosse