dans toutes les directions à la fois de longues lignes sombres et lumineuses rayant le fond vague et vaporeux du paysage. Au-dessous de moi gisait Heidelberg assoupie, étendue au fond de la vallée le long de la montagne, toutes lumières éteintes, toutes portes fermées ; sous Heidelberg, j’entendais passer le Neckar, qui semblait parler à demi-voix à la colline et à la plaine ; et les pensées qui m’avaient rempli toute la soirée, le néant de l’homme dans le passé, l’infirmité de l’homme dans le présent, la grandeur de la nature et l’éternité de Dieu, me revenaient toutes ensemble, comme représentées par une triple figure, tandis que je descendais à pas lents dans les ténèbres, entre cette rivière toujours éveillée et vivante, cette ville endormie et ce palais mort.
POST-SCRIPTUM.
Carlsrühe, novembre.
Cher Louis, voilà cette lettre interminable finie. Louez Dieu et pardonnez-moi. Ne lisez pas l’in-folio que je vous envoie, mais venez voir Heidelberg.
Je viens de faire une magnifique tournée dans la Berg-Strasse. J’ai eu de la boue et de la neige, mais vous savez que je suis un peu montagnard. J’ai seulement beaucoup souffert, non du froid, mais des poêles. Figurez-vous que, depuis que je suis en Allemagne, je n’ai pas encore pu réussir à me procurer un feu de cheminée, un tison allumé, un fagot flambant. Ils n’ont que d’affreux poêles dont les tuyaux se tordent dans les chambres comme des serpents. Il sort de là une vilaine chaleur traître qui vous fait bouillir la tête et vous glace les pieds. Ici on ne se chauffe pas, on s’asphyxie.
A ce petit inconvénient près, ― l’asphyxie soir et matin, ― le pays est vraiment admirable. Il pleut toute