après quoi je m’en suis allé. Les cloches et l’horloge n’offrent aucun intérêt.
Du Munster je suis allé à Saint-Thomas, qui est la plus ancienne église de la ville, et où est le tombeau du maréchal de Saxe. Ce tombeau est à Strasbourg ce que l’assomption de Bridan est à Chartres, une chose fort célèbre, fort vantée, et fort médiocre. C’est une grande machine d’opéra en marbre, dans le maigre style de Pigalle, et sur laquelle Louis XV se vante en style lapidaire d’être l’auteur et le guide ― auctor et dux ― des victoires du maréchal de Saxe. On vous ouvre une armoire dans laquelle il y a une tête à perruque en plâtre ; c’est le buste de Pigalle. ― Heureusement il y a autre chose à voir à Saint-Thomas ; d’abord l’église elle-même, qui est romane, et dont les clochers trapus et sombres ont un grand caractère ; puis les vitraux, qui sont beaux, quoiqu’on les ait stupidement blanchis dans leur partie inférieure ; puis les tombeaux et les sarcophages, qui abondent dans cette église. L’un de ces tombeaux est du quatorzième siècle ; c’est une lame de pierre incrustée droite dans le mur, sur laquelle est sculpté un chevalier allemand de la plus superbe tournure. Le cœur du chevalier dans une boîte en vermeil avait été déposé dans un petit trou carré creusé au ventre de la figure. En 93, des Brutus locaux, par haine des chevaliers et par amour des boîtes en vermeil, ont arraché le cœur à la statue. Il ne reste plus que le trou carré parfaitement vide. Sur une autre lame de pierre est sculpté un colonel polonais, casque et panache en tête, dans cette belle armure que les gens de guerre portaient encore au dix-septième siècle. On croit que c’est un chevalier ; point, c’est un colonel. Il y a en outre deux merveilleux sarcophages en pierre ; l’un, qui est gigantesque et tout chargé de blasons dans le style opulent du seizième siècle, est le cercueil d’un gentilhomme danois qui dort, je ne sais pourquoi, dans cette église ; l’autre, plus curieux encore, sinon plus beau, est caché dans une armoire, comme le buste de Pigalle. Règle générale : les sacristains cachent tout ce qu’ils peuvent cacher, parce qu’ils se font payer pour laisser voir. De cette façon on fait suer des pièces de cinquante centimes à de pauvres sarcophages de granit qui