n’en peuvent mais. Celui-ci est du neuvième siècle ; grande rareté. C’est le cercueil d’un évêque qui ne devait pas avoir plus de quatre pieds de haut, à en juger par son étui. Magnifique sarcophage du reste, couvert de sculptures byzantines, figures et fleurs, et porté par trois lions de pierre, un sous la tête, deux sous les pieds. Comme il est dans une armoire adossée au mur, on n’en peut voir qu’une face. Cela est fâcheux pour l’art ; il vaudrait mieux que le cercueil fût en plein air dans une chapelle. L’église, le sarcophage et le voyageur y gagneraient ; mais que deviendrait le sacristain ? Les sacristains avant tout ; c’est la règle des églises.
Il va sans dire que la nef romane de Saint-Thomas est badigeonnée en jaune vif.
J’allais sortir, quand mon sacristain protestant, gros cuistre rouge et joufflu d’une trentaine d’années, m’a arrêté par le bras. ― Voulez-vous voir des momies ? ― J’accepte. Autre cachette, autre serrure. J’entre dans un caveau. Ces momies n’ont rien d’égyptien. C’est un comte de Nassau et sa fille, qu’on a trouvés embaumés en fouillant les caves de l’église, et qu’on a mis dans ce coin sous verre. Ces deux pauvres morts dorment là au grand jour, couchés dans leurs cercueils, dont on a enlevé le couvercle. Le cercueil du comte de Nassau est orné d’armoiries peintes. Le vieux prince est vêtu d’un costume simple coupé à la mode de Henri IV. Il a de grands gants de peau jaune, des souliers noirs à hauts talons, un collet de guipure et un bonnet de linge bordé de dentelle. Le visage est de couleur bistre. Les yeux sont fermés. On voit encore quelques poils de la moustache. Sa fille porte le splendide costume d’Elisabeth. La tête a perdu forme humaine ; c’est une tête de mort ; il n’y a plus de cheveux ; un bouquet de rubans roses est seul resté sur le crâne nu. La morte a un collier au cou, des bagues aux mains, des mules aux pieds, une foule de rubans, de bijoux et de dentelles sur les manches ; et une petite croix de chanoinesse richement émaillée sur la poitrine. Elle croise ses petites mains grises et décharnées, et elle dort sur un lit de linge comme les enfants en font pour leurs poupées. Il m’a semblé, en effet, voir la hideuse poupée de la mort. On recommande de ne pas