Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’épaisse cravate noire, qui est aussi une mode locale, tombent également derrière le dos.

Il était sept heures du soir, la veille, quand je quittais Strasbourg. La nuit tombait quand j’ai passé le Rhin à Kehl, sur le pont de bateaux. En touchant l’autre rive, la malle s’est arrêtée, et les douaniers badois ont commencé leur travail. J’ai livré mes clefs et je suis allé regarder le Rhin au crépuscule. Cette contemplation m’a fait passer le temps de la douane et m’a épargné le déplaisir de voir ce que mon compagnon l’architecte m’a raconté ensuite d’une pauvre comédienne allant à Carlsrühe ; assez jolie bohémienne que les douaniers se sont divertis à tourmenter, lui faisant payer dix-sept sous pour une tournure en calicot non ourlée, et lui tirant de sa valise tous ses clinquants et toutes ses perruques, à la grande confusion de la pauvre fille.

Le munster de Freiburg, à la hauteur près, vaut le munster de Strasbourg. C’est, avec un dessin différent, la même élégance, la même hardiesse, la même verve, la même masse de pierre rouillée et sombre, piquée çà et là de trous lumineux de toute forme et de toute grandeur. L’architecte du nouveau clocher de fer à Rouen a eu, dit-on, le clocher de Freiburg en vue. Hélas !

Il y a deux autres clochers à la cathédrale de Freiburg. Ceux-là sont romans, petits, bas, sévères, à pleins cintres et à dentelures byzantines, et posés, non comme d’ordinaire aux extrémités du transept, mais dans les angles que fait l’intersection de la petite nef avec la grande nef. Le Munster est également, en quelque sorte, indépendant de l’église, quoiqu’il y adhère. Il est bâti à l’entrée de la grande nef, sur un porche presque roman, plein de statues peintes et dorées du plus grand intérêt. Sur la place de l’église, il y a une jolie fontaine du seizième siècle, et, en avant du porche, trois colonnes du même temps, qui portent la statue de la Vierge entre les deux figures de saint Pierre et de saint Paul. Au pied de ces colonnes le pavé dessine un labyrinthe.

A droite, l’ombre de l’église abrite, sur la même place, une maison du quinzième siècle, à toit immense en tuiles de couleur, à pignons en escaliers, flanquée de deux tourelles