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sincèrement, c’est ce qui le rend sombre et va, hélas ! l’empêcher de prendre la croix.

Non, il ne la prendra pas, malgré les lumières reçues, malgré les chaleureuses invitations tombées des lèvres du missionnaire.

Il ne la prendra pas ; il reviendra chez lui sans y apporter cette croix de bois noire, à l’encontre de tous les braves gens de la paroisse et de bien des ivrognes, ses camarades.

Penser qu’il n’a pas eu envie de la prendre serait se tromper.

Quand il vit tous les hommes de la paroisse quitter leurs places, monter au sanctuaire en une interminable procession, et redescendre fièrement armés de la croix… Oh ! ce qu’il brûla d’envie de se joindre à eux !… Blotti dans un coin pour n’être pas remarqué, le cœur lui battait à se rompre. Le visage tourmenté par des sentiments contraires, il eut une fois un mouvement en avant… Il se ressaisit aussitôt…

« Père j’apporte la croix à la maison. C’est vous qui auriez dû aller la chercher, vous le chef de la famille. Je n’ai pas voulu qu’il soit dit que la famille aura fermé sa porte à la croix ; c’est pourquoi je suis allé la chercher à votre place. Elle va régner dans la maison cette croix, et avec elle la tempérance. »