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Page:Hugues - Vers, 1888.djvu/9

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À treize ans, j’oubliai la chanson enfantine.
On va vite, une fois que l’on est en chemin :
Je me mis à chérir d’un amour de gamin
Ma petite cousine et ma grande cousine.
L’une aimait un gendarme avec son cœur profond,
L’autre mourut dans la saison des pâquerettes :

Ainsi font, font, font
Les petites marionnettes ;
Ainsi, font, font, font
Trois petits tours et puis s’en vont.



À seize ans, je laissais ma vague rêverie
Errer le long des eaux jaseuses du moulin
De mon père, et j’avais le cœur tout plein, tout plein
D’une enfant de seize ans qui s’appelait Marie.
Elle venait, avec son joli chapeau rond,
Respirer dans nos bois l’âme des violettes.

Ainsi font, font, font
Les petites marionnettes ;
Ainsi, font, font, font
Trois petits tours, et puis s’en vont.



Je connus à vingt ans les morsures infâmes
Des fers sur les poignets, l’horreur des cachots sourds,
Les dalles s’éveillant au bruit des sabots lourds,
Et l’ennui d’être seul, loin du baiser des femmes.
Cela dura quatre ans. Comme le temps est long !
Que d’ennuis dévorés ! que de douleurs muettes !

Ainsi font, font, font
Les petites marionnettes ;
Ainsi font, font, font
Trois petits tours et puis s’en vont.



À peine délivré des tourments de la geôle,
J’ai repris mon labeur où je l’avais laissé,
Et quand le fardeau m’a trop lourdement pesé,
Je me suis contenté de le changer d’épaule ;
Mais il faut prendre, hélas ! les hommes comme ils sont,
Des gens m’ont diffamé dans les feuilles honnêtes.