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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 4, 1788.djvu/128

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Dissertation.

hommes, il n’y en a pourtant qu’un petit nombre qui soient capables d’apprécier les productions des arts, & donc le sentiment puisse passer pour la regle du beau. Les organes intérieurs n’ont que très-rarement assez de perfection pour donner pleine carrière aux principes généraux, & pour exciter des sensations conformes à ces principes : tantôt ils sont assujettis à un vice radical, tantôt à un désordre accidentel ; d’où il ne peut résulter que de fausses sensations. Si le critique n’a point de délicatesse dans l’esprit, il juge sans discernement ; n’étant affecté que des qualités grossieres & palpables, les touches fines lui échappent : s’il n’a point d’exercice, les décisions sont confuses & mêlées de doutes : s’il ne sait point comparer, il admire les beautés les plus frivoles, ou plutôt il prend pour beauté ce qui est défaut : si le préjugé le domine, il n’a plus de sentiment naturel : s’il manque de bon sens, il ne voit pas la beauté du dessein, cette beauté raisonnée qui est la principale. Il y a peu de personnes exemptes de toutes ces imperfections ; & voilà pourquoi, dans les siecles