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de Morale.

nous approuvons ou nous désapprouvons les caracteres & les mœurs. Et quoique le cœur n’adopte point ces idées générales tout-à-fait & qu’il ne régle point son amour ou sa haine exactement sur ces différences abstraites & générales de vice & de vertu, sans aucun égard pour nous-mêmes ou pour les personnes avec qui nous avons des liaisons immédiates, cependant ces distinctions morales ne laissent pas d’avoir une influence très-grande. On ne peut nier qu’elles n’en ayent au moins dans nos discours, & ainsi elles peuvent nous servir dans les cercles, dans les écoles, en chaire, & sur le théatre[1].

  1. La nature a voulu très-sagement que des liaisons particulieres l’emportassent communément sur les considérations générales, sans cela nos affections & nos actions se perdroient faute d’avoir un objet déterminé. C’est ainsi qu’un bienfait reçu par nous-mêmes ou par nos proches, excite en nous des sentimens plus vifs d’amour & d’admiration, qu’un bienfait plus grand mais qui a pour objet une nation éloignée. Cependant dans ces cas la réflexion nous aide à corriger la défectuosité de ces sentimens, en nous montrant un modele général de vice & de vertu formé principalement d’après les maximes de l’utilité générale.