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Essais

pli de bienveillance, d’amitié de générosité, que chaque homme sentît la plus parfaite tendresse pour les autres, & n’eût pas plus de soin de son propre intérêt que de celui de son semblable : il paroît évident qu’une bienveillance si générale rendroit encore l’exercice de la justice inutile, & jamais on n’auroit pensé aux partages & aux barrières de la propriété. Pourquoi voudrois-je obliger un autre par des actes & des promesses à me rendre un bon office, quand je saurois d’avance qu’il a la meilleure disposition à contribuer à mon bonheur, & qu’il est toujours prêt à me rendre les services que je desire, à moins que le préjudice qui en résulteroit pour lui ne fût plus grand que l’avantage que j’en retirerois moi-même ? Dans ce cas, il sait que l’amitié & l’humanité, qui me sont naturelles comme à lui, me porteroient à m’opposer le premier à une générosité outrée. Pourquoi établir des bornes entre mon champ & celui de mon voisin, lorsque mon cœur ne connoît point de limites entre ses intérêts & les miens, & que je partage ses plaisirs & ses peines avec autant de