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de Morale.

force & de crainte, que s’ils étoient les miens ? Suivant cette supposition, chaque homme seroit à l’égard de l’autre un second lui-même, & remettroit avec indifférence tous les intérêts entre des mains étrangeres ; il n’y auroit ni distinction, ni jalousie, ni partage, le genre humain ne formeroit qu’une famille où tout seroit en commun, & où l’on jouiroit de tout sans possession & sans propriété, seulement avec la réserve & les égards qui seroient dûs aux nécessités de chaque individu, & que nous chéririons comme si notre intérêt y étoit attaché.

Dans la disposition actuelle du genre humain, il seroit peut-être difficile de trouver des exemples d’un sentiment d’affection si étendu, mais nous voyons quelquefois des familles qui en approchent, & plus la bienveillance mutuelle est forte parmi les hommes, plus elle ressemble au roman que nous venons de faire. Dans de pareilles liaisons toutes distinctions de propriété se perd & se confond à la fin. Entre des personnes mariées, la loi suppose les liens de l’amitié si intimes, qu’ils détruisent toute séparation des biens,