avec de telles créatures, ne pourroit être appelle société, parce que celle-ci suppose de l’égalité : or, il n’y auroit d’un côté qu’un commandement absolu, & de l’autre qu’une obéissance servile. Des êtres aussi foibles seroient forcés à nous céder sur le champ tout ce que nous voudrions prendre ; notre bon plaisir seroit le seul titre de leurs possessions : notre compassion & notre bonté l’unique, frein qu’ils pourroient opposer à nos volontés déréglées ; & comme il ne résulte point d’inconvénient de l’exercice d’un pouvoir aussi solidement établi dans la nature, les loix de la justice & de la propriété n’auroient pu être d’aucun usage dans une société de cette espece.
Il est évident que c’est-là la position des hommes par rapport aux animaux ; je laisse à d’autres à décider jusqu’à quel point ces êtres jouissent de la raison. La grande supériorité que nous autres Européens civilisés avons sur les Indiens barbares, nous a presque persuadés qu’ils étoient avec nous par le même pied que les animaux, & nous a fait secouer tout lien de justice & même