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LA CEINTURE FLÉCHÉE


CHAPITRE XIX

LE VOL DE LA CEINTURE FLÉCHÉE


Jérôme commençait à « tricoler », comme on dit. Il en était au point où tout homme est prêt à révéler les plus grands secrets. Se penchant vers le détective, il lui dit :

— Les diamants du père Martineau, je sais où ils sont.

— Mais où donc ?

— Ici !

— Oui, je suis sûr qu’on les a cachés dans une ceinture fléchée que le vieillard m’a remise.

Le guide alla chercher la ceinture.

Mais un homme s’était glissé dans la maison inaperçu, après avoir ouvert la porte sans faire le moindre bruit.

Au moment où le guide montrait la ceinture fléchée au détective, l’homme, Onésiphore Ouellette alias Monette, bondit, s’empara de la ceinture et s’enfuit.

Les deux autres restèrent bouche bée.

Mais leur inaction ne dura qu’un instant.

Le détective sortit en courant et tira plusieurs coups de revolver. Mais le fuyard était trop loin.

Le guide avait suivi Mainville :

— Monette s’en va vers la demeure de Madame Paquin, dit-il. Tiens, il a oublié de chausser ses raquettes qu’il a laissées ici. Il ne pourra pas prendre les champs. Il y a trop de neige et elle est trop molle ; il s’embourberait. Il suivra donc le chemin. Dans dix minutes nous l’aurons rattrapé.

En un tour de mains, Jérôme avait attelé ses chevreuils.

À ce moment, à la surprise, à la stupéfaction générale le vieillard mystérieux arriva en courant, à la raquette. Il ne fit pas attention au détective et se dirigea vers le guide qui sortait de l’étable avec ses chevreuils :

— Jérôme, dit-il, au comble de l’exaltation nerveuse, protège-moi, protège-moi. On a voulu me tuer. Monette en qui j’avais mis toute ma confiance est venu chez moi. Il m’a malmené, il a mis la maison sens dessus dessous. Il a voulu me voler. Tu as toujours la ceinture fléchée, hein ? Jérôme.

— Non, on vient de me la voler.

— Qui ?

— Monette.

— Mon Dieu !

— Vite, monsieur, vite, détective, sautez dans la traîne-sauvage ; moi, je vais courir. Monette s’en va là-bas. Nous allons le rattraper. Allons, Pommette hola ! Cerf-Volant, en avant ! Faites la course de votre vie.

Pour la première fois dans leur existence, les deux superbes chevreuils goûtèrent au fouet, Ils bondirent. Jérôme courait de toutes ses forces ; les rênes à la main, pour les suivre. La route était droite. On voyait encore le fuyard dans le lointain.

Le vieillard était au comble de l’exaltation :

— Plus vite ! Jérôme, plus vite ! criait-il.

Le détective gardait son sang-froid et disait entre ses dents :

— Nous allons l’avoir, l’animal !

La distance diminuait entre le fuyard et les chevreuils.

La maison de madame Paquin apparut.

Ils virent Monette y entrer.

— Cette fois nous l’avons, le détective.



CHAPITRE XX

CETTE CEINTURE EST UN SYMBOLE…


Au moment où Monette entra en coup de vent chez Madame Paquin, celle-ci, Alice et Jacques conversaient tranquillement dans le salon.

Le criminel braqua un revolver sur le groupe.

— Je me cache derrière cette tenture, dit-il. Voyez ce pistolet. Il va venir quelqu’un me demander dans quelques minutes. Vous leur direz qu’il n’y a personne ici excepté vous. Sinon, je vous tue comme des chiens.

— Misérable ! rugit Martial, enfin tu découvres ton jeu !

— Tais-toi, jeune coq, ou je t’envoie continuer tes rugissements dans l’autre monde.

Monette se cacha derrière la tenture.

Il était temps.

Mainville, le vieillard et Jérôme entrèrent.

— Il y a un homme qui vient d’entrer dans cette maison ? interrogea le détective.

Jacques Martial répliqua :

— Non, vous vous trompez, nous sommes seuls.

Mais en même temps, d’un signe des yeux presque imperceptible, il désignait la tenture au détective.

Mainville comprit de suite et vit aussitôt une paire de pieds que la tenture ne cachait pas à la vue, car elle se terminait à environ quatre ou cinq pouces du plancher.

D’un bond, rapide comme l’éclair, il sauta sur la tenture, l’arracha, et donna un croc-en-jambe à Monette.