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Page:Huot - Le massacre de Lachine, 1923.djvu/30

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LE MASSACRE DE LACHINE


au bruit du tambour ! — Et que, pendant de longues années, l’écho répète à tous les échos de la chrétienté : le Canada a su défendre ses frontières !

Les troupes, après avoir traversé le lac Ontario, débarquèrent à la Rivière des Sables, sur la rive Sud, près de l’endroit où l’on savait que les Iroquois se retranchaient. L’expédition était composée des renforts que le chevalier de Vaudreuil avait amenés de France. Ces hommes, que M. de Callières avait exercés spécialement sur l’île Sainte-Hélène, étaient commandés par le vétéran et le chevalier. La milice canadienne était divisée en quatre bataillons, commandés par MM. Lavaltrie, Berthier, Grandville et Longueuil. Le jour de son arrivée à la Rivière des Sables, la petite armée du marquis se trouva encore renforcée de six cents hommes amenés de Détroit par MM. La Durantaye, Tonti et de Luth.

Pour atteindre l’ennemi, les Français avaient à traverser une région entrecoupée de collines et de marais éminemment propices à des embuscades. La marche devait nécessairement être lente, car il fallait prendre toutes les précautions pour prévenir une surprise d’un ennemi toujours aux aguets. Les troupes, surtout celles qui arrivaient d’Europe, souffraient énormément de la chaleur excessive et de la morsure des moustiques. Mais elles ne manifestèrent aucun mécontentement, ne firent entendre aucun murmure et elles marchaient avec courage, espérant toujours rencontrer l’ennemi dans quelques marais ou au détour de quelque colline.

Les Iroquois, de leur côté, savaient parfaitement que les troupes françaises s’avançaient ; car un des leurs, que les Français avaient fait prisonnier, s’était échappé et avait informé ses frères des mouvements de l’expédition.

Enfin, à leur grande satisfaction, les Français arrivèrent en vue du village des Tsonnonthouans, l’une des cinq tribus qui formaient la confédération iroquoise. Toutefois, l’ennemi refusa le combat et, après avoir incendié le village, se retira au fond de la forêt. Mais sa retraite fut de courte durée ; il revint, à l’insu des Français, et se posta, fort de trois cents hommes, sur un ruisseau qui séparait deux collines boisées en vue du village incendié. En même temps, cinq cents autres Tsonnonthouans se postèrent en embuscade dans un marécage plein de joncs épais, à quelque distance du ruisseau. Dans cette position, les deux embuscades attendirent l’approche des Français ; ces derniers chargèrent un petit détachement ennemi que les Iroquois avaient posté à dessein sur la route conduisant au village ; mais ce détachement ne résista pas et prit la fuite. L’avant-garde française, emportée par l’ardeur de la poursuite, se trouva bientôt séparée du corps d’armée et arriva près du ruisseau gardé par les Iroquois. Mais ces derniers, au nombre de trois cents, perdirent leur avantage par trop d’impétuosité. Au lieu de laisser passer l’armée française pour la prendre en arrière et la pousser sur l’embuscade postée dans le marécage, les Iroquois s’attaquant à l’avant-garde, comme si c’eût été toute l’armée, et observant qu’elle était composée principalement d’Abénaquis, poussèrent leur cri de guerre et firent une décharge de mousqueterie. Terrifiés par cette attaque d’ennemis invisibles, les Abénaquis s’enfuirent et les Iroquois se mirent à leur poursuite. Mais ils étaient à peine à quatre cents verges de leur cachette qu’ils se trouvèrent en face de la milice provinciale, commandée par Lavaltrie et s’avançant, tambour battant, au pas de charge. À leur tour, les Iroquois durent prendre la fuite. Craignant de faire face à la milice, dont ils avaient éprouvé la valeur en maintes autres circonstances, ils firent volte-face et se dirigèrent vers le marais où se trouvait l’autre corps d’embuscade. À ce moment, la panique gagna les Iroquois du marais et tous prirent ensemble la fuite jetant leurs armes derrière eux.

La perte des Français était insignifiante ; mais les Iroquois avaient à déplorer la mort de plusieurs guerriers vaillants dont les corps malgré toutes les précautions du marquis de Denonville et de ses officiers furent enlevés pendant la nuit pour servir, suivant la coutume, aux horribles festins des Abénaquis cannibales.

Le lendemain du combat, les Français s’emparèrent des greniers des Tsonnonthouans, où ils trouvèrent quatre cent mille boisseaux de maïs. Pendant dix jours, ils ravagèrent le pays, détruisant les moissons sur pied et massacrant les bestiaux, sans voir apparaître un seul Iroquois. Toute la population du canton de Tsonnonthouan, effrayée du résultat de la bataille, s’enfuit au loin ; quelques-uns de ces sauvages gagnèrent même la Virginie.

Les Iroquois, comme nation, étaient complètement démoralisés et il eût été facile de les vaincre en détail. Mais le marquis de Denonville