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LE TRÉSOR DE BIGOT

Un mort reposait-il là ? J’emportai le monument au presbytère. Ma servante le débarbouilla des saletés qui y adhéraient et je pus, après un long travail, en reconstituer l’inscription. Je m’en rappelle par cœur. Elle se lisait comme suit.

xxxxxxxx« Ci-gît :
xxxx« Marcel Morin,
« Garde du Château St-Louis,
« Mort le 28 septembre 1761,
« Emportant dans sa tombe le
« Secret du trésor de François Bigot,
« intendant de la Nouvelle-France. »

Jules Laroche regarda le curé avec un calme imperturbable. Cependant, il y avait de quoi faire tressaillir le détective le plus expérimenté. Le curé le regarda :

— Que pensez-vous de cette histoire ? questionna-t-il.

Le détective évita de répondre et interrogea lui-même :

— Monsieur le curé, n’avez-vous pas reçu la visite d’un ou de plusieurs inconnus récemment ?

— Au fait, si, la semaine dernière, un quêteux m’a demandé refuge pour la nuit. Je l’ai fait coucher dans notre chambre de réserve.

— Et vous n’avez rien constaté de suspect le lendemain ?

— Mais, oui, vous me faites rappeler…

Ce matin, j’ai eu de la difficulté à retracer le monument dont je vous ai lu l’inscription. Il n’était plus à l’endroit où je l’avais placé dans la chambre de réserve. Quelqu’un l’avait dérangé. J’ai supposé que ma servante, en faisant le ménage, l’avait changé de place.

— Faites venir votre servante, monsieur le curé.

Le curé appela :

— Mélanie ! Mélanie !…

Une vieille demoiselle apparut, s’essuyant les mains avec son tablier.

— Mélanie, dit le prêtre, monsieur Laroche, détective, veut vous poser quelques questions.

— Monsieur, monsieur, s’écria la servante, ne me traînez pas devant les tribunaux, je ne connais rien, rien du tout de cette affreuse affaire…

— Ne craignez rien, mademoiselle, répliqua le détective, je ne désire vous poser qu’une petite question.

Mélanie poussa un soupir de soulagement.

Le vieux curé sourit.

— Mademoiselle, reprit Jules, quand vous avez fait le ménage dans la chambre à tout mettre, n’avez-vous pas changé de place un monument funéraire qui se trouve à cet endroit ?

— Ah ! Misère du ciel, non ! monsieur le détective. Pas de danger ! J’en ai bien trop peur de ce monument. Je n’y toucherais pas pour tout l’or du monde. À preuve que j’ai bien peur quand je nettoie cette sacrée chambre. Il me semble que le mort va m’apparaître.

Le détective fit un signe.

— Très bien, Mélanie, vous pouvez vous retirer dit le vieux prêtre.

Quand ils furent seuls, le détective questionna de nouveau :

— Vous est-il venu d’autres visiteurs ?

— Non, le quêteux est le seul à qui j’ai donné l’hospitalité.

— Alors, comme ce n’est pas Mélanie, c’est le quêteux qui a dérangé le monument. Pouvait-il lire l’inscription qu’il y avait dessus ?

— Oui, répondit le curé, j’avais reconstitué toutes les lettres et refait chacune d’elles au crayon indélébile.

Un silence se fit.

Jules Laroche réfléchissait : le quêteux, un faux mendiant sans doute, avait lu l’inscription. On y disait que le défunt Marcel Morin, garde du Château St-Louis, était mort, emportant dans sa tombe le secret du Trésor de François Bigot, intendant de la Nouvelle-France. Il y avait un trésor ! Et un trésor ramassé par Bigot ne devait pas être maigre si on en croit l’histoire. Sans doute, une bande de criminels était à la recherche du trésor. Le quêteux faisait partie de cette bande. Mais où avait-on appris l’existence de cette inscription sur le monument funéraire ?

— Monsieur le curé, demanda tout à coup Jules Laroche, avez-vous parlé à quelqu’un de cette inscription ?

— À personne, sauf au notaire qui a souri.

Le détective ayant manifesté le désir de visiter le cimetière, le curé l’accompagna.

Les paroissiens de St-Henri étaient encore nombreux à cet endroit.

L’abbé Morin conduisit Jules à la fosse violée. La terre y avait été remuée. Dans le fond du trou, on pouvait voir des ossements jetés pêle-mêle.

Le curé déclara :

— J’ai défendu à qui que ce soit de rien déranger, car je désirais que la fosse fût à