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LE TRÉSOR DE BIGOT

« Le soleil se lève, je sors de ma
maison, je fais 512 pas vers la rivière.
Je m’arrête et regarde. Le soleil donne
sur la fosse du noyé. Je fais 21 pas,
le soleil dans le dos. Ici est le salut
de la Nouvelle-France.
-----------« Marcel Morin ».

— Voulez-vous me donner un bout de papier et un crayon, demanda le détective.

Il alla s’asseoir au pupitre du notaire et transcrivit mot pour mot ce qui était écrit sur le bout de parchemin. Puis il plia soigneusement le papier et le mit dans la poche de son veston.

— Ayez l’obligeance, dit-il, de ne mentionner à personne le fait que j’ai une copie de ce parchemin.

— Vous prenez donc cette histoire de trésor au sérieux ! dit le notaire.

— Certes ! Avez-vous un revolver dans votre maison, monsieur Morin ?

— Mais non.

— Tiens, voici le mien. Tenez-le constamment chargé, et à portée de votre main. Il vous sauvera peut-être la vie.

Le vieux notaire prit l’arme en tremblant. Il regardait Jules Laroche avec des yeux craintifs.

Madeleine était très pâle.

Le bon vieux curé ne semblait pas à son aise sur sa chaise.

Le détective reprit :

— Évidemment Marcel Morin, sur le second bout de parchemin, écrit pour lui-même des indications qui lui auraient permis de retrouver facilement le trésor si sa mémoire avait fait défaut. En même temps, il voulait que les termes mystérieux de sa missive fussent absolument incompréhensibles à tout autre. Ainsi le secret du trésor était bien gardé. Il sera donc excessivement difficile de retrouver l’or et les diamants. Mais, mademoiselle Madeleine et moi, nous les retrouverons.

La jeune fille sourit de contentement à ces paroles.

Le détective continua :

— Notre enquête, dit-il, doit rester secrète. Un fou s’est échappé hier de l’asile de Beauport. Vous direz, monsieur le curé, que l’attentat d’hier est sans doute l’œuvre de ce maniaque.

Après quelques instants de réflexion, Jules poursuivit encore :

— Je me demande, murmura-t-il, comment il se fait que le quêteux ait connu l’existence de l’inscription sur le monument. Car enfin, pour s’intéresser à la lire, à la copier, comme il l’a fait sans doute, il fallait qu’il en connût l’existence.

— Mais je la sais moi-même par cœur l’inscription de ce monument, s’écria alors Madeleine. Et elle récita :

xxxxxxxx« Ci-gît :
xxxx« Marcel Morin,
« Garde du Château St-Louis,
« Mort le 28 septembre 1761,
« Emportant dans sa tombe le
« Secret du trésor de François Bigot,
« intendant de la Nouvelle-France. »

— Où as-tu lu cette inscription ? questionna le curé au comble de l’étonnement.

— Mais sur le monument, dans votre chambre à tout mettre. Un matin, je suis allée au presbytère pour emprunter une douzaine d’œufs de Mélanie. Votre servante était dans cette chambre. J’allai l’y trouver et je vis le petit monument, voilà !

Jules Laroche contemplait Madeleine avec admiration. Elle était bien le type de la jeune fille moderne que sa très grande pureté n’empêche pas d’être débrouillarde.

— Où allons-nous ! Seigneur ! Où allons-nous ! s’exclama le curé. Voilà les jeunes filles qui se mêlent de trésors, de crimes, d’attentats sacrilèges. Ah !…

— Mademoiselle, interrogea le détective, avez-vous parlé à quelqu’un de votre découverte ?

— Oui, mais à une seule personne, mon ami Jean.

— Qui est-ce Jean ?

Le curé répliqua :

— C’est un jeune étudiant en médecine. Son père est le médecin de la paroisse.

— Son nom de famille ?

— Labranche.

Le détective demanda alors aux autres occupants de la pièce de le laisser seul avec la jeune fille. Quand tout le monde se fut retiré, il dit à Madeleine :

— Mademoiselle, vous m’avez déclaré tout à l’heure que vous étiez à la recherche du trésor. Avez-vous fait des découvertes intéressantes ?

— Non, mais je suis sur le point d’en faire une.

— Ah !

— Oui, dans quelques heures je saurai où se trouve la fosse du noyé dont parle mon aïeul sur son second bout de parchemin.

— Comment le saurez-vous ?