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LE TRÉSOR DE BIGOT

— Papa, papa, dit-elle, il y a quelqu’un à la porte.

Au même moment le timbre de l’entrée sonna.

Le vieillard s’éveilla en sursaut.

Quand Madeleine l’eut mis au courant de ce qui se passait, il s’empara en tremblant du revolver dont lui avait fait cadeau le détective et descendit l’escalier qui conduisait à la porte :

— Qui va là ? demanda-t-il d’une voix incertaine.

— Simplement de pauvres touristes en panne, monsieur, fut la réponse.

— Que voulez-vous ?

— Nous aurions besoin d’une clef anglaise pour enlever un pneu crevé. Vous devez en avoir une.

— Oui, messieurs.

Le vieillard, rassuré, ouvrit la porte. Deux hommes entrèrent, le chapeau rabattu sur la figure, le paletot au collet relevé comme si on eût été en novembre.

— Attendez une minute messieurs, je vais aller quérir la clef anglaise.

Quand le vieillard revint avec l’outil, il n’y avait plus qu’un seul homme dans la pièce.

Celui-ci expliqua que son ami était retourné à leur voiture pour commencer la réparation. Puis il salua fort poliment et sortit.

Le vieillard remonta, soulagé de toute inquiétude. À sa fille qui l’attendait sur le palier, il déclara :

— Ce sont tout simplement deux automobilistes en panne à qui il manquait une clef anglaise.

Madeleine ne dit mot, mais l’inquiétude l’empoignait. Son père ne pensait pas plus loin que le bout de son nez. Pourquoi ces automobilistes dérangeaient-ils les gens en pleine nuit quand il y avait à deux pas de là un garagiste dont l’établissement était ouvert 24 heures par jour ?

La jeune fille alla de nouveau se coucher. Il lui semblait entendre des bruits étouffés qui montaient du rez-de-chaussée. Elle écouta, écouta… Il y avait certainement quelqu’un en bas…

N’y tenant plus, elle alla à pas de loup éveiller son père. Celui-ci écouta, mais il n’avait pas l’oreille aussi fine que sa fille :

— Bah ! dit-il, ce sont des rats tout simplement. Demain j’emprunterai le chat du curé.

Au même moment une sourde détonnation retentit qui fit vibrer toute la maison.

Le vieillard se leva, très pâle, et bafouilla :

— Je crois, ma fille, que tu as raison. Il y a quelqu’un au rez-de-chaussée. Allons-y voir ! Prends bien garde à toi, ma petite.

Le notaire s’empara de nouveau du revolver et ils descendirent tous deux à pas de loup le long escalier.

Une faible lumière filtrait à travers la tenture bien fermée à l’entrée du cabinet de travail.

Le vieillard regarda sa fille en tremblant. Celle-ci fit le geste de s’emparer du revolver ; mais son père la repoussa doucement.

À pas de loup, ils avancèrent sans faire le moindre bruit jusqu’à ce qu’ils fussent à portée de la tenture. Le vieillard écarta un peu cette tenture et vit un homme qui lui tournait le dos, accroupi près du coffre-fort dont la porte était tordue, en train d’examiner fébrilement des papiers. Il y en avait déjà des centaines d’éparpillés autour de lui.

Le vieillard braqua son revolver sur l’inconnu. Au même moment, Madeleine tira la tenture et dit :

— Les mains en l’air ou mon père fait feu !

L’homme sursauta, se tourna et leva les mains. Son chapeau rabattu lui cachait plus de la moitié de la figure. Il était impossible de lui distinguer les traits.

Madeleine courut au téléphone pendant que son père tenait toujours l’inconnu en joue.

L’opératrice devait être endormie car elle mit un temps interminable à répondre.

Enfin, Madeleine put avoir Québec. On lui donna la résidence de Jules Laroche. Mais encore là, pas de réponse ! Elle entendait la cloche du téléphone sonner et sonner. Personne ne répondait.

À ce moment une voix contrefaite, celle de l’inconnu, dit en ricanant, au vieillard :

— Notaire, ton revolver n’est pas chargé.

Monsieur Morin regarda instinctivement son arme. Au même instant, l’inconnu sauta sur lui, profitant de la seconde où il avait l’œil sur le revolver. D’un solide coup de poing, il fut renversé.

La jeune fille poussa un cri, laissa l’acoustique et s’empara du revolver que son père avait laissé tomber. Mais déjà l’inconnu avait passé la porte et fuyait vers l’automobile.

Madeleine ouvrit la fenêtre et tira deux, trois coups sur l’assaillant de son père. Mais celui-ci continua sa course et sauta dans la machine qui partit à toute vitesse vers Québec.

Ce que voyant, Madeleine revint à son père qui gisait inconscient sur le parquet.

Elle courut vers la cuisine et revint avec une serviette et de l’eau.