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ENQUÊTE

teur, elle fit, depuis, son chemin, et se voit aujourd’hui, d’après M. Anatole France lui-même, en partie vérifiée.

M. Charles Morice est, au gré de tous ses amis, un très pur poète, aussi foncièrement original que rigoureusement indépendant.

Voici son avis sur les questions qui nous intéressent.

Je lui demande s’il croit que la vogue du roman psychologique est un résultat parallèle au symbolisme ?

— Mais la psychologie n’est pas de la littérature ! s’écrie-t-il, pas plus que la physiologie, la géographie, l’histoire, d’ailleurs. Il y a là une confusion spéciale à la littérature ; et cela à cause de l’outil : la plume, qui sert également aux économistes, aux statisticiens… et aux poètes. On se croit en droit d’exiger de ceux-ci des déductions où la morale induit le moraliste, alors que la poésie n’a pas d’autre essentiel et naturel objet que la Beauté. Songez-vous à ceci, que dans l’art d’écrire, à cette heure, on pense à tout excepté à la beauté ? Oui, il y a quelque part quelque chose d’auguste et de mystérieux que j’entends pleurer dans une solitude décriée : la Beauté ! Voilà qu’on parle de psychologie à propos de littérature ! Pourquoi pas d’algèbre ou de chimie ? Or, entre la science et l’art, il y a surtout cette différence que la science est successive, que l’art est intuitif, instantané (comme résultat) et simultané. Une œuvre d’art doit être l’expression d’un instant, et le poète est