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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

messieurs ; on est symboliste ou rien, en art, puisque l’art est le symbole. Le symbolisme, c’est la recherche de l’inconnu par le connu, du non humain par l’humain. À ce point de vue, il n’y aurait guère parmi les jeunes (suis-je un jeune ?) que deux symbolistes : Mathias Morhardt, l’auteur d’Hénor, et moi, dans mon roman l’Absente et dans les Fêtes galantes, pièce de théâtre où la musique et le texte essayent une glose de Paul Verlaine.

Ces trois œuvres (bonnes ou mauvaises, peu importe ici, ce n’est pas la question), n’admettent pas un personnage, pas un milieu, pas un verbe qui ne soit représentatif d’entités. Cette triple représentation constitue essentiellement le symbolisme. Il demande, pour être de l’art, l’excellence de la forme, et exige la vieille croyance à l’être en soi, l’être avec un petit ê. Or, l’esprit scientifique moderne a rejeté cette croyance, et c’est ce qui le sépara profondément des derniers grands contemporains. Ils sont ou ils furent rejetés, isolés, ou plutôt ils rejetèrent, ils s’isolèrent. Banville est mort, qui, hors les Exilés, garda ses pensées et distilla des contes à l’usage de ce temps-ci ; Villiers de l’Isle-Adam croyait, et en est mort ; Paul Verlaine meurt d’appartenir à cette vérité maudite ; Stéphane Mallarmé la cache d’un triple voile, comme Isis ; César Franck, qu’un directeur de Revue me reprochait d’inventer, il y a sept ou huit ans, a vécu heureux de cette vérité, et très seul, malgré l’ap-