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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

teaux à capuchon glissaient dans le silence pesant, rarement coupé de croassements de corneilles, m’étaient apparus comme le décor naturel de cette littérature d’effroi : l’Intruse les Aveugles, la Princesse Maleine. Je devinais l’auteur résumant en lui cette tristesse et cette angoisse opprimantes des choses, et les traits creusés par les fièvres, et l’œil glauque de Mæterlinck, je m’apprêtais à les peindre ; l’idée même de l’approcher me laissait dans une curiosité vaguement inquiète, et je l’attendais, rêveur, dans le salon de l’hôtel, en écoutant les vitres chanter sourdement sous les grosses gouttes de pluie, quand il entra.

Surprise. Agé de vingt-sept ans, assez grand, les épaules carrées, la moustache blonde coupée presque à ras, Mæterlinck, avec ses traits réguliers, le rose juvénile de ses joues et ses yeux clairs, réalise exactement le type flamand. Cela joint à ses manières très simples, à son allure plutôt timide, sans geste, mais sans embarras, provoque tout d’abord un sentiment de surprise très agréable : l’homme, mis correctement, tout en noir, avec une cravate de soie blanche, ne jouera pas au génie précoce, ni au mystère, ni au menfoutisme, ni à rien : c’est un modeste et c’est un sincère. Mais ce charme a son revers : si je ne réussis pas à distraire mon interlocuteur de l’interview qui l’épouvante, je ne tirerai rien pour mon enquête, ou presque rien de cette carrure tranquille ; un quart