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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

La prose, c’est le roman, le roman libéré des vieux harnois : il ne s’est pas renouvelé aussi vite que la poésie. Il n’y a pas, hormis Huysmans, de maître à comparer à ceux d’hier, à Flaubert, à Barbey d’Aurevilly, aux Goncourt ; il n’y a même pas un fou lucide qui nous jette dans les jambes quelques Chants de Maldoror. Les psychologues s’éteignent un à un, comme les bougies d’un candélabre, en les salons où ils fréquentent. Seuls brillent, dans la pénombre, Barrès alimenté par l’ironie et Margueritte dont la flamme est une âme. Quant aux naturalistes de la dernière heure, Descaves, si consciencieux artiste, les représente, et il y suffit ; et d’entre les inclassables, enfin, surgissent un étrange et presque ténébreux fantaisiste, un enfant (terrible) de l’auteur des Diaboliques, Jean Lorrain, C. de Sainte-Croix, romancier subtil, incorruptible critique, et ce brodeur de si fines étoles, F. Poictevin.

En somme, si j’en devais juger par ce qu’il m’est donné de rêver pour ma propre littérature (de bonne volonté), par quelques observations, quelques causeries, par des fragments lus çà et là, je pourrais m’aventurer à dire que la littérature prochaine sera mystique. Un catholicisme, un peu spécial, mais pas hérétique, régnera demain, — pour combien de temps ? — sur l’art tout entier.

M. Mæterlinck vient de traduire Ruysbrœck ; d’autres travaux préparatoires vont émerger… Nous en