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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

testable que, dans l’évolution qui doit s’accomplir, cette réaction aura lieu…

— Mais au profit de qui ? demandai-je.

— Les symbolistes, les décadentistes, enfin les gens qui se posent, d’avance, pour nos successeurs, me semblent être presque tous des poètes. Je déclare être un mauvais juge à leur égard, car je suis un bien plus grand liseur de prose que de vers. Mais, toutefois, je me demande si, au dix-neuvième siècle, en cette toute-puissance de la prose poétique, en cette domination de la langue de Chateaubriand et de Flaubert, je me demande si un grand mouvement intellectuel peut être mené par des versificateurs. Les vers me semblent, à moi, la langue des jeunes peuples, des peuples à l’aurore, et non pas la langue des vieux peuples, des peuples à leur coucher de soleil. Hugo a été une exception monstrueuse de génie. Il peut exister encore derrière lui des charmeurs dans le genre, mais l’action de la littérature sur les masses, je crois qu’elle n’appartient plus aux vers.

— Puis, chez les novateurs, — et on me dit qu’ils ne sont pas tout jeunes, — je trouve bien des programmes, des opuscules, des brochurettes, de minces in-18, mais je ne rencontre pas ce qu’on appelle une œuvre. Et, dans le mouvement romantique, vous avez l’œuvre colossale d’Hugo, et dans le naturalisme, vous avez l’œuvre, en beaucoup, beaucoup de gros volumes, de Zola et de Daudet.