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ENQUÊTE

ainsi que les religions, en leur période légitime, furent les tâtonnements de la philosophie. À la science, qui n’enregistre et ne série que les certitudes, il propose des hypothèses, indique des probabilités. Son action essentielle consiste donc à rendre évident ce qui reste encore indémontrable. Et cet art, pour qu’il traduise la vie en ses plus extrêmes complications, nous le voulons aussi analytique que possible et aussi peu que possible abstrait. Les littératures primitives, puériles, réduisirent le plus souvent leur effort à des conquêtes isolées, que les odieuses écoles classiques, — la nôtre plus que toutes, — se complurent par la suite à rigoureusement circonscrire et à stupidement abstraire. De là, les genres procustiens, les divisions anéantissantes, les représentations abréviatives, l’ode et la satire, le tragique et le comique, le caractère et la légende. Cependant, à toutes les époques et chez tous les peuples, les profondes conceptions, les amples chefs-d’œuvre, furent concrets, complexes, analytiques, c’est-à-dire positivistes, dans la mesure du possible, et, en proportion du développement humain, toujours davantage. Suivez plutôt cette progression du réel, depuis l’épopée, à travers le drame, jusqu’au roman moderne, de l’Iliade aux Oiseaux, de la Divine Comédie à Hamlet, du Gargantua à l’Éducation sentimentale. C’est pourquoi, sans interdire aux petits artistes les formes fragmentaires qui correspondent aux besoins restreints des intelligences