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ENQUÊTE

Mais il faudra deux ou trois générations peut-être pour faire triompher cette formule, et les artistes qui l’auront comprise et appliquée devront se résigner à être sacrifiés à leurs successeurs.

Retenez que je ne veux pas dire qu’à côté de cet art, il ne puisse vivre et s’épanouir une littérature très noble et très belle, toute différente de l’autre, une littérature idéaliste qui sera le fruit de l’éducation classique, et qui satisfera certaines catégories d’esprit. Plusieurs arts dissemblables peuvent fort bien vivre côte-à-côte, et l’admettre c’est encore comprendre la variété des cerveaux modernes.

— Que faites-vous des symbolistes ?

— Ils n’ont, jusqu’à présent, rien sorti de nouveau que je sache sur la théorie même du symbolisme. La plupart d’entre eux ne me paraissent pas y voir autre chose qu’un nouveau stock de métaphores à mettre en circulation… Y a-t-il seulement, dans toute cette école, deux personnalités réellement convaincues de quelque chose ? Verlaine, et Mallarmé, peut-être ?

Quant à Anatole France, qui les a lancés, c’est une haute intelligence dont j’admire l’art ; il ne cesse pas d’être le père immédiat du bon scepticisme, du scepticisme charitable… Et Barrès, son talent est très joli, je le lis avec un vrai plaisir, mais il n’a pas encore démontré qu’il se prend au sérieux comme homme, pas plus qu’il croit qu’il puisse même y avoir quelque chose de, sérieux dans une conviction quel-