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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

de faire de la femme un être désexué, livré au vertige du bleu. Les paysans ne sont pas libidineux pour deux raisons : d’abord ils n’ont pas le temps, ensuite cela les fatiguerait… nous le savons bien… Le pape Alexandre VI, simplement pour avoir passé une nuit au spectacle des filles de la banlieue de Rome accouplées aux porte-faix, ne put dire sa messe le lendemain ; Zola, lui, nous montre des paysans, levés à l’aurore, travaillant comme des chevaux, et, malgré cela, s’adonnant à une fornication perpétuelle. Non. Pour se donner la peine d’inventer, on pourrait vraiment inventer mieux.

Et puis, il y a une autre cause à la mort, — provisoire, je veux bien — du naturalisme. Il n’y a presque plus que les femmes qui lisent le roman, c’est un fait, les hommes n’ont pas le temps. Eh bien ! les femmes n’arrivaient pas à concilier les préjugés mondains qui ne sont pas favorables aux œuvres réalistes avec leur amour de la lecture, et le plaisir qu’elles ont à consacrer les réputations littéraires. Avouez qu’il était impossible, dans les salons, même les salons bourgeois, de démontrer qu’on connaissait la Terre sur le bout des doigts, et de se passionner pour ou contre, en invoquant des arguments ? Aussi, dès les premiers livres de Bourget, vous avez vu l’empressement des femmes vers le roman psychologique. En effet, en même temps qu’elles purent afficher leur auteur favori, elles y trouvèrent matière à contro-