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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Les jeunes littérateurs, ainsi que les vieux d’ailleurs, uniquement occupés du dénigrement de leurs confrères et de leur propre gloire, me font l’effet de nos députés qui discutent toujours sans travailler jamais, plus soucieux de leur réélection que des intérêts du pays, et notre pays à nous c’est l’Art.

Qu’ils fassent des œuvres et, pour ma part, que ces œuvres soient tirées directement de l’observation de la nature, ou indirectement, à l’aide de symboles, cela m’est parfaitement égal si j’y reconnais la marque d’un artiste sincère.

Quant à dire : telle forme d’art est supérieure à telle autre, ce genre-ci a plus de chance de réussir dans l’avenir que celui-là, ce sont des calculs de commerçant, de tailleur, se demandant : « Que portera-t-on l’année prochaine ? Que faut-il préparer en magasin ? » Un écrivain qui raisonne ainsi n’est plus qu’un marchand de lignes.

La vérité est qu’il y a du talent et énormément de talent des deux côtés. Malheureusement ils sont tous d’une infatuation telle qu’ils s’imaginent être arrivés, comme ils le disent, à la forme définitive ; ils se cantonnent dans une formule de plus en plus étroite et ne progressent plus.

— Pourtant, vos préférences à vous ?…

— Je préfère l’interprétation directe de la nature, car je la crois plus haute en beauté que toutes les œuvres humaines et je crains que les symboles ne la