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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Ils viennent me dire aussi : Corneille a fait des vers ternaires :

Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir ;

Mais ce n’est pas un vers ternaire ! La césure subsiste, puisqu’il y a un temps fort à la sixième syllabe, sur toujours !

C’est comme pour la rime ! Sans aller aussi loin que Banville qui soutenait que tout le vers était dans la rime, je crois, raisonnablement, n’est-ce pas ? que la rime est la raison d’être du vers français. Eh bien ! non, eux la suppriment tout à fait ! Ils se disent : Ah ! ah ! on a abusé de la rime riche, nous allons la faire crever de misère !

Et puis, ils nous parlent de musique ! Hélas ! y a-t-il rien de moins musical que leurs vers ? Ouït-on jamais pareille cacophonie ? L’un d’eux, un jeune homme charmant, d’ailleurs, très bien élevé, Henri de Régnier, m’a dit un jour :

— Mais nous tâtonnons, cher Maître !

— Tâtonnez tant que vous voudrez ! lui ai-je répondu ; c’est votre droit ; mais au moins conservez vos tâtonnements pour vous, ne tâtonnez pas dans des livres imprimés ! Tout le monde a tâtonné ! Moi, j’ai conservé sept ans dans un tiroir mon premier recueil, j’ai brûlé quatre mille vers, j’ai refait la plupart de mes morceaux plusieurs fois. Eux, font du tâtonne-