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ENQUÊTE

doute de la chaleur du foyer et de l’animation de la conversation. Il riait et ses joues glabres rosissaient, ses lèvres minces frémissaient un peu, et son œil enfoui sous les barbes des sourcils s’allumait d’une lumière malicieuse.

— Ceci c’est pour les œuvres, dis-je. Mais de la technique du vers symboliste, que pensez-vous ?

— Je leur demande pourquoi, quand ils font deux phrases de quinze pieds, sans rime, ils s’acharnent à appeler cela des vers ? C’est de la prose tout bonnement, — et de la mauvaise, puisque les vers y sont ! Tenez, regardez-moi cela : c’est le dernier opuscule de Viellé-Griffin. Voyez le prélude. Est-ce que ce sont des vers ? Ils prétendent que oui ! c’est invraisemblable. Il serait si simple d’écrire de jolie prose rythmée, puisqu’ils en veulent tant à la poésie ! Sérieusement, Monsieur, le vers français vit d’équilibre, il meurt si l’on touche à sa parité. Qu’on rompe comme on voudra l’alexandrin intime, que même on change la césure de place, je veux bien… parce que je ne suis pas maître de l’empêcher ! — mais qu’on lui conserve au moins son harmonie externe ! Banville a écrit :

Elle filait pensivement la blanche laine.

Voyez, l’harmonie en est tout de même superbe ! L’alexandrin se retrouve pour ainsi dire inviolé.