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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

ceci, je changerais cela. » Et gaiement, fraternellement ! Oui, nous devons tous le respecter, le vénérer, l’aimer comme il nous a aimés, d’une grande affection dévouée…

M. de Hérédia se promenait à travers l’appartement, et il appuyait sur chaque mot avec énergie.

— Oui, pour nous tous, Coppée, Sully-Prudhomme, Mendès, Mallarmé, Silvestre, Cazalis, France, et tant d’autres, et pour moi le moindre, mais non le moins reconnaissant, ce grand poète a été un éducateur admirable, un maître excellent. Par son illustre exemple plus encore que par ses conseils, il nous a enseigné le respect de la noble langue française, l’amour désintéressé de la poésie. Nous lui devons la conscience de notre art. Aussi, tout ce que nous avons pu faire de bon doit-il être compté à l’actif de sa gloire…

Je repris :

— De l’évolution du roman, que pensez-vous ?

— Oh ! je n’ai rien à en dire, ce n’est pas mon état. Je les connais tous, Goncourt, Zola, Daudet, un de mes plus chers camarades et que j’admire infiniment. Il me semble, pourtant, que les derniers venus ont des tendances mystiques et de psychologie attristée semblables à celles qui marquèrent la suite des guerres de la Révolution et de l’Empire. Ce siècle m’a l’air d’un serpent qui se mordrait la queue ! Il y avait alors, — sans remonter jusqu’à Werther, — Chateaubriand, Benjamin Constant, madame de Krudner, M. de Sé-