Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
322
ENQUÊTE

par exemple, avec qui je parle souvent de tout cela. C’est celui qui, dans ses vers, chaque fois qu’il condescend à me faire participer à sa pensée, me paraît introduire le plus de musique dans le signe conventionnel du langage, et qui doit être par conséquent le plus apte à exprimer l’indéfinissable.

Oui, insista M. Sully-Prudhomme, chaque fois que de Régnier daigne faire un vers qui me soit intelligible, ce vers est superbe, — d’où j’en conclus qu’il pourrait faire un poète supérieur si tous ses vers étaient intelligibles ! Mais, vous me comprenez, quand j’ai un volume de lui devant les yeux, que je cherche à le déchiffrer, je suis dans la situation d’un bonhomme qu’on aurait conduit au milieu d’une immense forêt, en lui disant : « Si tu as soif, il y a une source là, quelque part, cherche. » On en fait un Tantale, quand ce serait si simple de lui dire où elle est, la source. Eh bien ! moi, je lui demande, à de Régnier, de me conduire à son rêve…

Je demandai encore :

— Y a-t-il, selon vous, en dehors des Parnassiens et des symbolistes, une génération de poètes à considérer ?

— Mais, monsieur, n’y a-t-il pas Bouchor, Richepin, le petit Dorchain, Fabié, qui n’ont rien de commun avec nous que de se servir de la langue française telle qu’elle nous est venue de 1830, et d’en faire un usage personnel ? Ce sont là, il me semble, des